Cahier d’acteur: SURFRIDER FOUNDATION EUROPE

Ce cahier est rédigé par Surfrider Foundation Europe (SFE). Créé en 1990 et rassemblant plus de 11 300 adhérents, SFE a pour but la défense, la sauvegarde, la mise en valeur et la gestion durable de l’océan, du littoral, des vagues et de la population qui en jouit, par l’éducation, les actions de sensibilisation, l’information, la recherche, la lutte contre les pollutions, la lutte contre l’artificialisation du littoral notamment par l’urbanisation, l’action locale, l’organisation de rassemblements et de manifestations.

PREAMBULE 

SFE a développé un programme créant un cadre à notre lutte pour la préservation des espaces littoraux. Fondé sur le volontariat, le programme environnemental « Gardiens de la Côte » constitue un programme durable d’actions concrètes invitant chacun à s’impliquer dans la protection du littoral près de chez lui.

Ce programme contribue à la création d’un réseau de « Gardiens » constitué d’individus, d’organisations communautaires, d’écologistes, de scientifiques et d’usagers mobilisés autour de valeurs communes en faveur de la protection de l’environnement littoral à une échelle locale ou régionale. De ce fait, l’identification des menaces et dégradations des écosystèmes côtiers, associée à la promotion d’une gestion durable et participative du littoral, renforcée par la surveillance et la protection de l’environnement littoral en Europe, vont permettre d’agir et de trouver de façon conjointe des solutions efficaces.

Ces renseignements alimentent notre réseau de surveillance afin d’établir un état des lieux précis de nos côtes européennes et agir spécifiquement en local pour combattre les pollutions et l’artificialisation du littoral. Stimuler la mobilisation et l’organisation communautaire pour une action éco-citoyenne de surveillance, de protection et de reconquête du littoral par leurs habitants et usagers représente la clé de la réussite pour une action efficace et durable.

L’argumentaire présenté dans ce cahier d’acteur est le fruit de la synthèse des informations recueillies par notre réseau local lors des différentes réunions organisées dans le cadre du débat public. Ainsi, Surfrider Foundation Europe fait écho dans ce document à la volonté locale de notre « communauté océan » rassemblant l’ensemble des amoureux de la mer de s’opposer au projet.

De surcroit, une grande partie des industries majeures européennes de la glisse basées en Aquitaine sont mobilisées pour que soit entendu leurs interrogations relatives aux impacts du projet sur l’océan et le littoral.

ANALYSE DU PROJET DE STOCKAGE DE GAZ 

Les statuts de SFE restreignent notre champ d’action aux questions liées aux océans et à sa bande littorale; de ce fait, nous disposons d’une expertise principalement sur les énergies marines. Toutefois, au vu des éléments apportés lors des débats et après rapide analyse des enjeux énergétiques nationaux (coûts du projet, stratégie EDF non coordonnée au niveau national, etc.), nous nous posons sérieusement la question de l’opportunité de ce projet dans un contexte national et régional où le développement des énergies renouvelables représente un enjeu majeur.

Nous avons ainsi pu identifier trois problématiques majeures :

POUR UN DEBAT PUBLIC ECLAIRE ET EQUILIBRE 

Cette opportune procédure de débat apparaît conforme aux exigences de la Convention Aarhus. Néanmoins, le calendrier prévu ainsi que le manque d’informations techniques à disposition des participants nous permettent de douter de la pleine atteinte de l’objectif de cette consultation. En effet, si de nombreuses études techniques doivent avoir lieu après le débat public, notamment un deuxième forage sensé « préciser » la capacité de stockage des diapirs, comment peut-on se prononcer sur le fond du dossier ?

D’autre part, nous considérons que les modalités de déroulement des réunions, privilégiées par le maître d’ouvrage et la commission, ne sont pas propices au dialogue alors que c’est l’objectif majeur du débat. Ainsi, l’attitude d’EDF délivrant sous forme magistrale un flot d’informations complexes, ne peut que participer à relayer le public comme simple spectateur du montage d’un projet susceptible d’avoir d’importantes conséquences sur son environnement ou pour lui. Le monologue supplante l’échange ce qui n’est pas conforme à l’esprit de la CNDP.

Enfin, la désignation d’experts indépendants plus nombreux tels que ceux de l’IFREMER ou de laboratoires universitaires au côté de celle des experts d’EDF contribuerait à écarter tout conflit d’intérêts dans les éléments portés à la connaissance du public. Cela permettrait la délivrance d’un avis non biaisé et garantirait plus de transparence.

REJETS ENGENDRES PAR LE PROCESSUS DE DISSOLUTION DES DOMES DE SELS 

Les impacts sur le milieu marin 

Le lessivage, issu du processus de dissolution du sel, sera transporté par une canalisation et rejeté à 1.5 km de la côte. Au-delà de l’impact indéniable sur le milieu d’un rejet hyper concentré en sel (entre 250 et 300g/L), peu de données sont mises à disposition par EDF quant à la présence d’éléments chimiques complémentaires. Sur ce point, EDF précise dans ses documents que les informations doivent être complétées par des études ultérieures. L’impact du rejet de saumure est modélisé dans le document du maître d’ouvrage « étude Sogreah-Casagec, 2011 » en fonction de diverses conditions de vents, marées, sans jamais valider les résultats par des observations locales.

Enfin, la France s’est engagée dans la mise en oeuvre de la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM)1 (2088/56/CE). Actuellement, l’autorité de chaque sous-région marine est chargée d’élaborer et de mettre en oeuvre un plan d’action pour le milieu marin (PAMM). Au-delà de définir le bon état écologique des eaux marines, ce document fixera les objectifs environnementaux à atteindre pour chaque région. Ainsi, le projet tel que présenté ne nous apparait pas en cohérence avec la politique de préservation du milieu marin actuellement mis en oeuvre.

Par mesure de précaution et face à l’incertitude des donnés présentées, nous ne pouvons que nous opposer à un tel procédé.

ATTEINTE AUX MILIEUX NATURELS 

Le choix du site 

Le choix du site fait par EDF est basé sur la présence de formations géologiques apparemment propices au stockage de gaz. Or, une étude du BRGM2 sur les diapirs du système massif triasique de ST Pandélon précise la présence de nombreuses intercalations argileuses constituant un facteur limitant et conclut à la nécessité d’une exploration géologique plus détaillée. EDF n’ayant réalisé qu’un unique forage d’exploration (SDL 1) ne répond pas à notre sens à cette recommandation.

La proximité du lieu de stockage de gaz et des établissements thermaux de Dax peut poser un risque pour les nappes phréatiques sur lesquelles ceux-ci développent leur activité. EDF ne semble pas avoir prévu d’études d’évaluation des risques concernant l’impact de ce projet sur les nappes phréatiques du sous-sol landais. Dès lors, il est possible que ce projet porte atteinte à tout un secteur d’activités économiques prépondérant dans la région.

Les impacts sur le milieu naturel terrestre 

Les éléments apportés par EDF sur les impacts environnementaux engendrés d’une part, par l’installation d’une station de pompage en arrière de la dune bordière et d’autre part, par la mise en place des canalisations pour le pompage et le rejet de la saumure sont de nature à soulever de multiples interrogations.

De plus, peu d’éléments nous permettent d’appréhender la nature des travaux nécessaires au passage des canalisations dans un milieu aussi sensible et emblématique de la côte landaise que sont les dunes bordières.

Au-delà de ces considérations techniques, notre plus grande inquiétude réside sur les impacts environnementaux induits par la réalisation des infrastructures entre l’océan et le site de stockage. Nous posons la question de la compatibilité de ce projet avec les engagements pris depuis plus de 30 ans sur la côte aquitaine pour la conservation des milieux naturels littoraux. Les travaux de la MIACA, d’abord poursuivis dans le cadre du GIP littoral ces dernières années qui ont permis de sauvegarder ce qui fait toute la spécificité du littoral landais, ne vont-ils pas être fortement altérés par ce projet ?

Incompatibilité avec la loi littoral ? 

Enfin, la France dispose d’un outil majeur pour la protection de ses espaces naturels littoraux, la loi n°86-2 du 3 janvier 1986, dite loi littoral. Les espaces littoraux des communes littorales concernées par le passage du saumoduc et la création de la station de pompage, sont tous protégés au titre de la loi littoral. La commune de Soustons qui vient d’approuver son PLU (délibération du 25 octobre 2011) classe plus de 70 000 Ha3 en zone naturelle dont certains « espaces remarquables » au titre de la loi littoral (article L 146-6). Au vu de ces éléments nous nous interrogeons vivement de la compatibilité du projet d’EDF avec les prérogatives de la loi littoral et demandons que soit évalué la faisabilité du projet au regard de la réglementation en vigueur.

3 Rapport du commissaire enquêteur dans le cadre de l’enquête publique réalisée du 30 mai au 1er juillet 2011. Page 4 ; « Plus de 70.000 ha soit environ 70% du territoire communal est classé en zone naturelle et forestière en raison de la qualité des milieux et de leur contribution à l’équilibre de l’utilisation de l’espace dans une optique de développement durable. Ce classement permet notamment de protéger de façon stricte les entités écologiques au titre de: 1. La Loi Littoral sur les espaces remarquables (L146-6) » 

CONCLUSION : 

Compte tenu des enjeux pour le territoire et dans un souci de cohésion des politiques environnementales régionales, Surfrider souhaite que les acteurs locaux (collectivités, départements) ou autres institutions se prononcent officiellement sur l’opportunité écologique du projet, même si nous ne pouvons à aucun moment envisager que ceux-ci cautionnent ce genre de projet qui viendra altérer un paysage littoral emblématique et caractérisé pas sa dimension nature.

En résumé, au vu des informations transmises par EDF et des nombreuses incertitudes soulevées dans le cadre du débat public, nous nous opposons formellement à ce projet car:

  • La preuve de l’opportunité énergétique du projet n’est pas faite
  • Les rejets en mer sont de nature à dégrader le milieu océanique
  • Les milieux naturels littoraux, rétro littoraux et humides, emblèmes du     territoire landais risquent de subir une dégradation probablement plus importante que celle qu’EDF laisse entendre
  • Des doutes subsistent sur le respect de la loi littoral
  • Ce projet va à l’encontre des enjeux de conservation et de développement durable de ces trente dernières années

Gilles Asenjo – Président

Surfrider Foundation Europe – Agréée d’éducation populaire / Agréée de protection de l’environnement Enregistrée au Journal Officiel le 30.10.1990, organisation non gouvernementale à but non lucratif dévouée à la protection et à la mise en valeur de l’océan, des vagues et du littoral. www.surfrider.eu 
———————————————————————————————————————————————————-
La DCSMM établit un cadre et des objectifs communs pour la protection et la conservation marine d’ici à 2020. A cette date, les états membres devront avoir atteint un bon état écologique de leurs eaux marines. 
Rapport BRGM R39353; ‘Aptitude au stockage de produits chimiques et d’hydrocarbures des structures salifères dans le sud ouest’ janvier 1997 

Ce contenu a été publié dans Débat Public-Contributions, Les Avis sur le projet d'EDF, Protection de la Mer, Protection du Littoral, Stockage de Gaz, Surf, avec comme mot(s)-clef(s) , , , , , , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Les commentaires sont fermés.