La seule question à laquelle nous devons répondre, nous, citoyens, est philosophique: Existe-t-il une seule raison pour sacrifier à jamais ce qu’il reste de vraie nature sur notre littoral ?
1. Tout d’abord, je ne pense pas que ce à quoi nous assistons soit un débat public, tout au plus une réunion d’information, ce n’est déjà pas si mal cependant, soyez-en remerciés. Mais cela ne légitime rien. La qualification de débat public est déjà en soi un parti-pris, une volonté de faire passer sous couvert de démocratie, fût-elle participative, ce qui en réalité n’en a que l’apparence. Ce qui est jugé ici, jaugé ici, c’est la réaction des populations, pas leur volonté. Pour donner un autre exemple proche de nous, à voir quelques centaines de gugusses défiler contre la LGV, les pouvoirs publics en déduisent que la majorité est pour puisqu’elle ne défile pas ! Posez donc la question aux citoyens dans l’intimité et l’anonymat d’un isoloir, vous obtiendrez une autre réponse.
2. A Soustons, sur la partie de dune et de pinède concernée par le projet, on a convaincu les habitants, les indigènes, que leur présence, la seule trace de leur pas mettrait en péril ce qu’il restait de leur patrimoine naturel. On les en a chassé, on leur a interdit l’accès, on les a verbalisé, ils ont accepté. Aujourd’hui on vient leur expliquer qu’un chantier de plusieurs hectares, deux stations de pompages, des kilomètres de tuyaux, des passages d’engins, un chantier de plusieurs années, n’impacterait en rien la faune et la flore de ce sanctuaire. Ce que d’aucun disait impossible ici dans les landes, détruire toutes les parties sauvages de notre littoral comme cela s’est fait partout, vous êtes en train de l’achever sous nos yeux. La faute à tous ceux qui croient encore devoir donner priorité aux problèmes économiques sur les problèmes humains, à la richesse et au confort sur la sagesse, à la quantité sur la qualité. Ce sont des scientifiques, les mêmes peut-être qui ont réalisé vos études, qui nous ont convaincus que la présence d’une cabane à alouette sur la dune ou la capture d’un poisson trop petit risquait de mettre en péril l’équilibre de tout l’écosystème sur un domaine aussi restreint et aussi fragile.
3. Les raisons du désastre à venir ? Répondre à un besoin croissant, illusoire ? Superflus ? Excessif ? A chacun de juger. Répondre donc, au mépris des idées, des volontés, des désirs de changements, d’économie, au mépris de la conscience écologique de chacun, répondre à la demande gouvernementale du moment à l’horizon de 2020 par une technique et une énergie déjà dépassée. Si l’on envisage les retards, les recours, les imprévus, les problèmes techniques et financiers, les entraves que ne manqueront pas de faire les citoyens organisés (comptez sur nous), cette entreprise sera-t-elle opérationnelle en 2025 ? Que sera le monde en 2020, en 2025 ? Que sera notre énergie, quelles auront été les options, les avancées technologiques, les choix ou les obligations des sociétés et des peuples ? Qui ici peut le dire ? Qui peut seulement affirmer que ce projet sera un jour, un jour seulement fonctionnel ? Cela vaut-il que l’on détruire irrémédiablement ce qu’il reste de nature sur notre littoral ? Construire une fois dans un tel lieu, c’est ouvrir la porte à tous les projets futurs de quelques élus mégalomanes !
4. Si je voulais faire de l’ironie grinçante, je vous dirais qu’il nous restera heureusement les ronds-points, ces magnifiques mini-écosystèmes éclairés la nuit, où nous plantons des gourbets, des panicauts et de l’armoise de Lloyd. Praubes de nos ! comme disait ma grand-mère.
5. Comme vous l’avez remarqué, je n’ai pas posé de question et je n’attends donc pas de réponse, parce que le principe de la démocratie n’est pas que les citoyens s’informent sur les projets des décideurs et les scientifiques, mais que les scientifiques et les décideurs répondent, eux , aux aspirations des citoyens et des peuples. Mesdames, Messieurs, s’il vous importe vraiment de connaître les sentiments des populations autochtones sur ce sujet, posez des questions aux citoyens, ils sont venus nombreux pour vous répondre !
6. Pour nous citoyens et indigènes, plutôt que la subtilité technologique, la seule question valide à laquelle répondre reste philosophique : Sommes-nous prêts, existe-t-il un motif valable, une raison assez vitale, pour sacrifier à jamais ce qu’il reste de vraie nature dans notre pays ?
Didier Tousis – Soustons le 16 décembre 2011