Le contexte géologique du projet d’EDF « Salins des Landes »

Résumé de l’intervention de Bruno Cahuzac – Forum Citoyen du  01-04-2012

Subject: géologie Pouillon

bonjour,
comme convenu, voici quelques éléments complémentaires sur le dôme (= diapir) de Pouillon, que j’ai montrés hier [le 1 avril] à Vieux-Boucau…

- on est là dans le compartiment le plus plissé du bassin aquitain. Cela résulte de la tectonique pyrénéenne (formation des Pyrénées à l’ère Tertiaire, avec une phase majeure vers -45 millions d’années, et une autre vers -23 millions d’années).
- les Pyrénées sont liées à la collision de la plaque ibérique (Espagne) et de la vaste plaque européenne (c’est la « dérive des continents », ou tectonique des plaques…).
- comme vous verrez sur les documents ci-joints [...], cette collision a déplacé vers le nord (sur 20 km) les massifs primaires basques (Labourd, etc.), entraînant un fort plissement (déformations, failles, anticlinaux, et … diapirs) de tout l’avant-pays sud-aquitain. Pouillon se situe dans ce compartiment le plus tectonisé, avec aussi l’anticlinal de St-Lon-les-Mines, le pli de Peyrehorade, les diapirs de Dax, Téthieu, Magescq, celui de Salies-de-Béarn, l’anticlinal de Louer…

- La figure de la « Coupe sud-aquitaine » montre aussi en profondeur l’intensité des déformations et mouvements dans cette région…

Coupe Sud-Aquitaine - résumé « Salins des Landes »

- à l’origine, les sédiments du Trias (dont le sel) se sont déposés il y a 220 millions d’années, dans des lagunes très salées (sortes de vastes marais salants sous climat tropical, avec forte évaporation, d’où le terme « évaporites » donné à ces roches salines). Puis ces couches du Trias ont été peu à peu recouvertes par toutes les couches du Jurassique, du Crétacé et du Tertiaire. En position normale, ce Trias se trouve donc en profondeur, soit vers -4000 mètres (voir coupe jointe, Trias en quadrillé).

Si aujourd’hui ce même Trias s’observe en surface, c’est qu’il a été « vivement » remonté (donc sur environ 4 km de hauteur) par les mouvements tectoniques pyrénéens, et grâce aux failles qui bordent tous les diapirs (dômes de sel).
Les couches du Trias sont formées d’argiles et de sels, qui sont des roches « légères » et plastiques pouvant assez facilement être mobilisées et sont aisément déformables (« souples »).
- mais en remontant de 4 km dans le coeur du diapir, ces roches ont été fortement fracturées, déformées, cassées, perturbées, mélangées…, ce qui masque leur stratification originelle, et renforce l’hétérogénéité des couches.

- de plus, le Trias concerné (Trias supérieur = époque Keuper) est caractérisé par la Formation géologique des « Argiles bariolées » (riches en divers sels qui les ont colorées). Il s’ensuit que les diapirs landais contiennent toujours une bonne proportion de telles argiles, se mélangeant au sel, et constituant des éléments insolubles (qui devraient être rejetées en masse en mer suite au creusement des éventuelles cavités du projet EDF…).
- dans le diapir de Pouillon, ce qu’on voit aujourd’hui affleurer en surface, c’est : – de l’ophite (roche magmatique très dure, exploitée à St-Pandelon) : INSOLUBLE ; – du gypse (largement exploité à la plâtrière de Bénesse-Pouillon) : INSOLUBLE ; un peu partout sous le sol superficiel : des argiles « bariolées » : INSOLUBLES. En outre, les forages ont traversé de la potasse, de l’anhydrite, de la dolomie, etc. : INSOLUBLES. Bien sûr il y a aussi de la halite (= sel gemme, soluble). La conclusion du rapport BRGM 1997 (cf. image jointe en bas ; ce rapport avait examiné toutes les données disponibles, et pas UN SEUL forage…) souligne cette hétérogénéité des couches et estime que le diapir de Pouillon n’est pas la meilleure structure géologique pour envisager une réserve profonde d’hydrocarbures… [Ce rapport est inclus au site du débat public].
- par ailleurs, un autre souci est que souvent les roches plastiques du Trias (argiles/sels) montrent qu’en surface du diapir elles s’extravasent (= s’étalent largement au-dessus d’autres terrains), alors qu’en profondeur le dôme salin peut être plus « étroit » : l’image jointe de la coupe du diapir de Bastennes (en Chalosse) le montre bien.

Diapir Bastennes - résumé « Salins des Landes »

Et aussi celle du flanc Est du dôme de Bénesse-Pouillon

Flanc Est du dôme de Bénesse-Pouillon - résumé « Salins des Landes »

Il faut donc s’assurer (obligatoirement) que les vastes cavités à creuser seront, en profondeur (soit à – 1000 m) ENTIEREMENT situées dans des parties homogènes et cohérentes du dôme lui-même, et qu’en aucun cas, ces cavités pourraient atteindre les failles bordant le dôme, ou les autres couches (Crétacé, Tertiaire) redressées en bordure : sinon, le gaz compressé (et « léger ») remontera nécessairement le long de ces failles ( et ? jusqu’en surface ?)…

- hier [le 1 avril au forum citoyen], Christian Harmand a aussi souligné les risques que présente cette hétérogénéité des couches : les « poches » (cavités) de gaz comprimé devront être, selon les besoins, dilatées ou compressées (on sort ou fait rentrer du gaz…). Ces mouvements joueront sur « le contenant ». Si celui-ci montre sur son pourtour des discontinuités (couches de nature ou lithologie différente), du gaz empruntera ces zones et aura tendance à remonter, altérant l’étanchéité des cavités ; c’est un phénomène de fracturation hydraulique.

- vous m’avez demandé s’il y avait d’autres solutions… Si (et seulement si) un tel enfouissement de gaz naturel s’avérait opportun aujourd’hui (ou seulement utile : cela reste à prouver !), une solution existe. Roland Legros (Amis de la Terre) a bien expliqué hier [le 1 avril au forum citoyen] que d’autres sites d’enfouissement existaient déjà en Aquitaine (et étaient fonctionnels) : ceux de Izaute, Pécorade, Lussagnet (en partie gérés par une filiale de Total). Leur capacité de stockage est loin d’avoir atteint leur maximum… Le dossier de maître d’ouvrage d’EDF reprend cela (p. 29).

Lussagnet est passé à 3,5 milliards de m3 de gaz. Et avec Izaute, il pourrait « accueillir » en fait jusqu’à 10 milliards de m3 au total.
- Le projet Pouillon d’EDF, avec ses (seulement) 600 millions de m3, est bien « petit » dans ce cadre !
… et pour un stockage aussi réduit (!! … tout est relatif… !!), envisager autant de nuisances environnementales (et « gaspiller » une telle somme d’investissement de départ), cela paraît bien critiquable…
- les stockages de Lussagnet / Izaute / Pécorade sont déjà opérationnels, et il n’y a là NUL BESOIN de construire 2 x 40 km de saumoducs (destructeurs de biotopes sensibles), ni de creuser 12 cavités salines avec les énormes rejets d’insolubles prévus…
- une solution « soft » serait donc d’augmenter la capacité de ces autres sites (qui sont aussi aquitains). EDF « pourrait » s’associer avec les entreprises concernées (qui entre parenthèses n’ont vu de leur côté aucune utilité à augmenter à ce jour leur stockage : différence de vision à long terme ?).

B. Cahuzac – maître de conférences à l’université de Bordeaux 1 en géologie membre du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN). 

télécharger le résumé de Bruno Cahuzac en PDF   … à voir : la présentation du 1 avril en vidéo

Annex:

Rapport BRGM 1997 - résumé « Salins des Landes »

Ophite St-Pandelon - résumé « Salins des Landes »

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